Christiane Lacóte – Une Torpeur Ordinaire

THE LETTER 14 (Autumn 1998) pages 161-164

Le jeune homme partit pour l’étranger.

C’était une demi-solution et il le savait un peu, puisque l’étranger n’est que la figure compacte de ce que Lacan désigne de son incomplétude même, le grand Autre. Mais cette figure dégradée de l’Autre était aussi pleine que l’objet que sa jouissance consommait et cette symétrie n’était pas encore rompue.

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Aujourd’hui, dans nos contrées, la souffrance n’est plus de mise. Tant mieux, en un sens. Il est admis qu’elle n’est plus rédemptrice et qu’un monde meilleur ne nous attend plus en récompense de nos peines. La souffrance ne se tisse plus avec une espérance religieuse, elle est un mal radicalement.

Cela n’exclut pas qu’elle puisse être un spectacle, télévisé le plus souvent, ‘en direct’, dit-on. Mais le spectacle ne vient pas de la fenêtre ou de la porte: seul l’horizon est vu de l’immeuble géant II vient de cette fausse proximité que procure l’écran de télévision; l’actualité est filtrée par le montage de ses images. Qu’arrive-t-il alors quand le fait-divers fait irruption réellement dans le cercle familial?

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Nous condenserons dans ce récit fictif plusieurs cas de clinique ordinaire aujourd’hui.Un samedi, un jeune homme sort de cette discothèque où il a dansé comme les autres, aussi seul que les autres, abruti de musique assourdissante plus que d’alcool. Il frime dans la voiture paternelle, roule à trop vive allure et tue plusieurs de ses amis qui étaient avec lui.  …

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